Dons agricoles Les filières s’organisent
Pour répondre à la demande des associations caritatives, les filières s’efforcent de lever les freins logistiques.
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Donner une partie de sa production, du fruit de son travail, est un acte de générosité que de nombreux agriculteurs revendiquent. Et pourtant, en termes de logistique, donner des légumes ou une vache est bien plus compliqué que de signer et poster un chèque.
Du frais sans transformation
C’est pour lever les freins logistiques et financiers qu’en 2013 a été créée Solaal (Solidarité des producteurs agricoles et des filières alimentaires), association reconnue d’intérêt général, à l’initiative de la FNSEA. En cinq ans, elle peut se féliciter d’avoir permis la distribution de plus de 13 400 tonnes de produits agricoles à des œuvres caritatives, principalement des fruits (11 935 tonnes) et des légumes (1 312 tonnes). Pour ces produits frais consommables sans transformation, Solaal fait le lien entre l’agriculteur et l’association bénéficiaire, et organise la logistique (1). Donner des invendus ou des surplus devient « simple comme un coup de fil », insiste Solaal, qui s’évertue à faciliter les initiatives de dons. Car les besoins sont immenses. « Le segment des produits frais est très demandé, rappelle Angélique Delahaye, sa présidente. Et 99 % des produits proposés sont récupérés par les associations. » Les seuls « ratés » sont quand les effectifs bénévoles manquent pour organiser les retraits de produits périssables.
L’exemple du lait
Pour les dons de produits agricoles qui doivent être transformés avant consommation (lait, viande, céréales), l’affaire se corse. Une organisation avec l’aval de la filière est nécessaire. En 2013, la filière laitière a été précurseur avec une mécanique aujourd’hui bien huilée. La laiterie signe au préalable une convention avec les associations caritatives reconnues d’utilité publique. Chaque fin de campagne, au 15 février ou au 15 novembre, elle propose aux éleveurs de faire un don de lait aux associations de leur choix. Le prix du volume donné sera défalqué de la paye de lait du mois suivant. La laiterie a ensuite un an pour rétrocéder le lait cru sous forme de produits finis (fromages, yaourts) aux associations bénéficiaires, lesquelles prendront en charge les coûts de transformation et la logistique.
L’année suivante, une fois les produits finis réceptionnés, les associations envoient un reçu fiscal à chaque donateur, qui pourra faire valoir une réduction d’impôt de 60 % de la valeur du don. Ce coup de pouce fiscal remplace celui qui existait du temps des quotas laitiers, où les volumes donnés échappaient, jusqu’à 3 000 litres, aux pénalités pour dépassements de quotas.
Les banques alimentaires et les Restos du cœur reçoivent la quasi-totalité des dons, qui fluctuent fortement selon les campagnes. Si les volumes offerts en mars 2014 puis en mars 2015 ont atteint chaque fois 12 millions de litres (Ml), ils ont chuté à 3,6 Ml en mars 2016. Une dégringolade observée également en 2007 et 2012 avec 1 Ml offert. « La possibilité de dons est en lien direct avec les crises que traversent les éleveurs », souligne Marie-Thérèse Bonneau, vice-présidente de la FNPL. Difficile en effet, quand la production subit les aléas climatiques, sanitaires ou de marché, de trouver des volumes à donner.
La filière des œufs a aussi installé ses réseaux de dons. Mais les associations peinent à trouver d’autres protéines animales. Les dons de viande sont encore très faibles - Solaal a participé à la collecte et à la distribution de 5 tonnes de viande depuis 2013 - et le seul moyen de les favoriser serait une organisation collective de tous les acteurs de la filière.
La viande à la peine
C’est justement la réflexion qu’a menée l’interprofession nationale porcine, l’Inaporc, qui espère concrétiser son projet dès le deuxième semestre 2018. Son idée est de concentrer sur un mois, au printemps ou à l’automne, les promesses de dons. Chaque éleveur informerait sa coopérative du nombre d’animaux qu’il entend donner. La valeur de l’animal serait reversée à une structure nationale, qui la convertirait en dons de produits transformés selon les besoins exprimés par les associations. Avec 33 coopératives et 92 % de la production porcine française, Inaporc aurait, avec cette initiative, une puissance d’action efficace pour combler les manques de produits carnés des associations.
Pour les céréales également, des filières de dons existent. Certaines coopératives proposent à leurs adhérents de donner des quintaux sous la forme d’un abandon de recettes au profit d’une association. Moins pratiqués, le glanage ou la cueillette peuvent être proposés par les agriculteurs, en prenant soin de signer au préalable une convention avec les bénéficiaires.
La solidarité continue donc de se construire et, depuis trois ans, le 20 septembre, une journée nationale du don agricole est organisée pour sensibiliser l’ensemble des acteurs de l’agriculture à l’importance du don alimentaire. Un bel élan qui valorise l’image de la profession.
(1) « Le don agricole de A à Z », publié par Solaal, les chambres d’agriculture et l’Association des maires ruraux de France.
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